Ces dernières années, le thème du bonheur au travail a fait une percée remarquée dans l’univers du management. Les entreprises affirment haut et fort que le bonheur de leurs employés fait partie de leurs objectifs. Une évolution éminemment louable à condition toutefois de ne pas se fourvoyer quant aux véritables ressorts du bonheur professionnel.
Vouloir faire rimer travail et bonheur nous paraît aujourd’hui naturel. Mais jadis cette idée serait parue pour le moins saugrenue, le travail étant traditionnellement considéré, dans notre civilisation judéo-chrétienne et latine comme une forme de malédiction dont témoigne l’étymologie. En effet, selon les linguistes, le terme même de travail viendrait du latin tripalium, lequel désignait un instrument de torture constitué de trois pieux auxquels on attachait les animaux pour les ferrer ou… les esclaves pour les punir.
Heureusement, plus rien de tel aujourd’hui ! N‘en déplaise aux promoteurs des 35 heures, le travail est même plutôt considéré comme un moyen de se réaliser et de réussir sa vie. Directeur de recherche au CNRS, Alain d’Iribarne ne s’y trompe pas. “On nous a bassinés avec la réduction du temps de travail et l’avènement de la société des loisirs, mais c’est une illusion. Le travail reste au cœur de notre société” (1). Mieux : à rebours d’un cliché tenace, la valeur travail a particulièrement la cote… en France ! Comme le souligne la sociologue Dominique Méda, dans un récent ouvrage, nos compatriotes sont en effet, parmi les Européens, ceux qui manifestent le plus grand attachement au travail, 70 % d’entre eux affirmant qu’il est “très important” à leurs yeux. Une proportion qui les place loin devant les Britanniques (40 %) ou les Allemands (50 %) (2).
Dans ces conditions, on comprend que le bonheur professionnel de leurs employés devienne, pour les entreprises, un objectif stratégique. En effet dans un contexte de « guerre des cerveaux », la promotion du bien-être professionnel permet d’attirer les meilleurs salariés et contribue à maintenir la motivation des autres à un niveau élevé.
Signe des temps, des firmes aussi sérieuses que la Caisse d’Epargne ou General Electric ont été jusqu’à nommer des « managers du bonheur » chargés de veiller au bien-être de leurs collègues. Autres initiatives souvent mises en avant dans les médias : la création de lieux de convivialité, de conciergeries ou de crèches destinées à délester les cadres des soucis d’organisation inhérents aux salariés impliqués.
Des initiatives évidemment louables mais qui passent probablement à côté de l’essentiel parce qu’elles réduisent le bonheur professionnel au seul confort matériel, que celui-ci se traduise par des locaux design ou un salaire élevé. Car, comme l’ont bien perçu les psychologues, l’essentiel n’est pas là ! À l’issue d’une étude portant sur 15.000 personnes, Matthew Killingsworth, chercheur en psychologie à l’université de Harvard, a ainsi mis en évidence que « le bonheur au travail résulte avant tout de l’interaction avec les collègues, du projet dans lequel nous sommes investis et de la qualité des contributions quotidiennes” tandis “qu’un salaire élevé ou un titre prestigieux n’a qu’un impact limité » (3).
Du reste, de nombreux dirigeants ne s’y trompent pas. « Nous considérons que le bonheur professionnel ne doit pas résulter d’éléments annexes au travail, mais du travail lui-même, de ses objectifs ainsi que de la façon dont il est organisé et envisagé », expliquent ainsi Bertile Burel et James Blouzard, fondateurs en 2004 de Wonderbox, une entreprise familiale devenue en quelques années leader sur le marché des coffrets-cadeaux.
Pour arriver à cette conclusion et formaliser une culture d’entreprise qui repose sur le tryptique excellence-intégrité-initiative, Bertile Burel et James Blouzard avouent s’être appuyés sur leur propre expérience du bonheur professionnel : « Nous sommes partis du principe que ce qui nous rendait heureux rendrait également heureux nos collaborateurs. Or, dans notre vie privée comme dans notre vie professionnelle, ce que nous aimons par-dessus tout, c’est de pouvoir poursuivre des projets, relever des défis, nous dépasser, progresser, prendre des initiatives, exprimer librement nos idées et notre créativité. Nous voulons aussi travailler en confiance sans jamais oublier que Wonderbox forme une communauté de passionnés. Ce sont ces valeurs que nous nous efforçons de faire vivre au quotidien, pour nous-mêmes comme pour l’ensemble des membres de l’entreprise. »
De la sorte, les jeunes dirigeants de Wonderbox soulignent aussi que le bonheur au travail n’exclut nullement le maintien d’un climat de saine émulation et même la recherche collective de l’excellence. Une vision partagée par les meilleurs sociologues du travail. Professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), le psychiatre Christophe Dejours, met ainsi en garde : “Ce dont les salariés ont besoin, c’est d’entraide, de coopération horizontale avec les collègues et verticale avec l’encadrement, pour travailler bien. […] Car, si le travail peut avoir un sens, ce ne peut être que dans la qualité d’une tâche bien faite, c’est-à-dire conforme avec les règles du métier. […] Celles-ci sont en même temps des règles de savoir-vivre qui organisent la convivialité et la solidarité. Travailler, ce n’est pas seulement produire, c’est aussi vivre ensemble.”
Si bien que bien, loin d’être contradictoire avec le souci du bien-être professionnel, l’expression d’une certaine exigence y contribue. Parce qu’elle permet au travail de n’être pas seulement une contrainte mais également une source de fierté individuelle et surtout collective.
Heureusement, plus rien de tel aujourd’hui ! N‘en déplaise aux promoteurs des 35 heures, le travail est même plutôt considéré comme un moyen de se réaliser et de réussir sa vie. Directeur de recherche au CNRS, Alain d’Iribarne ne s’y trompe pas. “On nous a bassinés avec la réduction du temps de travail et l’avènement de la société des loisirs, mais c’est une illusion. Le travail reste au cœur de notre société” (1). Mieux : à rebours d’un cliché tenace, la valeur travail a particulièrement la cote… en France ! Comme le souligne la sociologue Dominique Méda, dans un récent ouvrage, nos compatriotes sont en effet, parmi les Européens, ceux qui manifestent le plus grand attachement au travail, 70 % d’entre eux affirmant qu’il est “très important” à leurs yeux. Une proportion qui les place loin devant les Britanniques (40 %) ou les Allemands (50 %) (2).
Dans ces conditions, on comprend que le bonheur professionnel de leurs employés devienne, pour les entreprises, un objectif stratégique. En effet dans un contexte de « guerre des cerveaux », la promotion du bien-être professionnel permet d’attirer les meilleurs salariés et contribue à maintenir la motivation des autres à un niveau élevé.
Signe des temps, des firmes aussi sérieuses que la Caisse d’Epargne ou General Electric ont été jusqu’à nommer des « managers du bonheur » chargés de veiller au bien-être de leurs collègues. Autres initiatives souvent mises en avant dans les médias : la création de lieux de convivialité, de conciergeries ou de crèches destinées à délester les cadres des soucis d’organisation inhérents aux salariés impliqués.
Des initiatives évidemment louables mais qui passent probablement à côté de l’essentiel parce qu’elles réduisent le bonheur professionnel au seul confort matériel, que celui-ci se traduise par des locaux design ou un salaire élevé. Car, comme l’ont bien perçu les psychologues, l’essentiel n’est pas là ! À l’issue d’une étude portant sur 15.000 personnes, Matthew Killingsworth, chercheur en psychologie à l’université de Harvard, a ainsi mis en évidence que « le bonheur au travail résulte avant tout de l’interaction avec les collègues, du projet dans lequel nous sommes investis et de la qualité des contributions quotidiennes” tandis “qu’un salaire élevé ou un titre prestigieux n’a qu’un impact limité » (3).
Du reste, de nombreux dirigeants ne s’y trompent pas. « Nous considérons que le bonheur professionnel ne doit pas résulter d’éléments annexes au travail, mais du travail lui-même, de ses objectifs ainsi que de la façon dont il est organisé et envisagé », expliquent ainsi Bertile Burel et James Blouzard, fondateurs en 2004 de Wonderbox, une entreprise familiale devenue en quelques années leader sur le marché des coffrets-cadeaux.
Pour arriver à cette conclusion et formaliser une culture d’entreprise qui repose sur le tryptique excellence-intégrité-initiative, Bertile Burel et James Blouzard avouent s’être appuyés sur leur propre expérience du bonheur professionnel : « Nous sommes partis du principe que ce qui nous rendait heureux rendrait également heureux nos collaborateurs. Or, dans notre vie privée comme dans notre vie professionnelle, ce que nous aimons par-dessus tout, c’est de pouvoir poursuivre des projets, relever des défis, nous dépasser, progresser, prendre des initiatives, exprimer librement nos idées et notre créativité. Nous voulons aussi travailler en confiance sans jamais oublier que Wonderbox forme une communauté de passionnés. Ce sont ces valeurs que nous nous efforçons de faire vivre au quotidien, pour nous-mêmes comme pour l’ensemble des membres de l’entreprise. »
De la sorte, les jeunes dirigeants de Wonderbox soulignent aussi que le bonheur au travail n’exclut nullement le maintien d’un climat de saine émulation et même la recherche collective de l’excellence. Une vision partagée par les meilleurs sociologues du travail. Professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), le psychiatre Christophe Dejours, met ainsi en garde : “Ce dont les salariés ont besoin, c’est d’entraide, de coopération horizontale avec les collègues et verticale avec l’encadrement, pour travailler bien. […] Car, si le travail peut avoir un sens, ce ne peut être que dans la qualité d’une tâche bien faite, c’est-à-dire conforme avec les règles du métier. […] Celles-ci sont en même temps des règles de savoir-vivre qui organisent la convivialité et la solidarité. Travailler, ce n’est pas seulement produire, c’est aussi vivre ensemble.”
Si bien que bien, loin d’être contradictoire avec le souci du bien-être professionnel, l’expression d’une certaine exigence y contribue. Parce qu’elle permet au travail de n’être pas seulement une contrainte mais également une source de fierté individuelle et surtout collective.
(1) Liaisons sociales, octobre 2011.
(2) “Travail : la révolution nécessaire”, par Dominique Méda, Editions de l’Aube, février 2010, 93 p.
(2) “Travail : la révolution nécessaire”, par Dominique Méda, Editions de l’Aube, février 2010, 93 p.
(3) “The Future Of Happiness Research”, par Matthew Killingsworth, Harvard Business Review, janvier-février 2012.
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